Prix du lait Une fromagerie collective pour mieux valoriser le lait bio
Initiative. Dans une zone à forte densité laitière mais dépourvue d’outil de transformation collectif, quatre fermes se sont associées pour créer, il y a un an, une fromagerie bio ancrée dans son territoire.
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En août 2020 sortaient les premières tomes affinées dans les caves d’Altermonts, au cœur des monts du Lyonnais. Dans un rayon de 100 km alentour, il n’est plus rare de croiser le logo noir et jaune dans les supérettes. « Pour éviter de concurrencer les collègues qui transforment à la ferme et font plutôt des lactiques, on fabrique une meule à pâte pressée cuite ainsi qu’une tomme et une raclette, au lait cru », détaille Claude Villemagne, l’un des neuf paysans bio à l’origine d’Altermonts. Les durées d’affinage de huit semaines à six mois facilitent la gestion des stocks. Avec près de 280 000 litres transformés sur douze mois, les quatre fermes associées dans la fromagerie sont sur la bonne voie. La fromagerie, qui a coûté un million d’euros (moins 40 % de subventions), est calibrée pour transformer 400 000 à 500 000 l en rythme de croisière, soit la moitié du lait produit à quatre. Claude et Didier, son associé au Gaec de la Brumagne, à Chazelles-sur-Lyon (Loire), produisent 400 000 l de lait avec 65 vaches et en ont livré 80 000 l à Altermonts, de juin 2020 à juin 2021. Le reste est toujours collecté par Biolait.
Tirer des leçons du passé
« On a monté Altermonts en visant une valorisation de 520 à 530 €/ 1 000 € », reprend Claude. Soit une plus-value de 50 €/1 000 l par rapport au prix payé à l’époque par Biolait – qui a baissé depuis. « Mais ce qui nous motive, c’est aussi de voir l’aboutissement de notre travail et de permettre à notre lait d’être consommé ici. » Un projet de fromagerie collective dans les monts du Lyonnais avait échoué vingt ans plus tôt. « Nous avons échangé avec ceux qui l’avaient porté pour en tirer des leçons, indique Claude. Et nous avons contacté l’Afocg (1), qui nous accompagne depuis l’été 2016. » Depuis cette date, ils se réunissent un jour par mois avec l’Afocg. Les premiers mois, ils n’ont pas parlé du projet mais d’eux-mêmes. « Dans un collectif, ce sont toujours les relations humaines qui pèchent, observe Jérôme Barange, l’un des neuf, installé à Duerne (Rhône). Connaître le passif et les attentes de chacun a permis de souder le groupe. » Début 2017, ils sont entrés dans le dur : étude de marché, visite de plusieurs fromageries, conception du projet, plan de financement, etc. Les nombreuses formations ont pu être financées grâce au fonds Vivea et à la constitution d’un GIEE.
Le cahier des charges engagé sur l’aspect environnemental et social (lire l’encadré), et l’ancrage territorial du projet ont séduit les élus locaux. La communauté de communes a versé une aide de 20 000 € et mis à disposition une salariée pour monter des dossiers. Les consommateurs ont massivement adhéré : plus de 350 personnes ont contribué à la campagne de financement participatif, qui a récolté 40 000 € pour l’achat du véhicule de collecte. Le projet a aussi plu au réseau Biocoop, qui a décidé de verser à Altermonts 8 000 € par an pendant trois ans via son fonds d’investissement.
Le bâtiment est sorti de terre au printemps 2020, un fromager et une aide fromagère ont été embauchés à plein-temps. Les systèmes d’élevage ont parfois dû s’adapter. Jérôme, à Duerne, a enfin sauté le pas de la conversion bio. Au Gaec de la Brumagne, la réflexion sur l’arrêt de l’ensilage est enclenchée à la suite de montées de butyriques.
Réorganiser tout le travail
Depuis que la fromagerie est en route, Claude lui consacre deux jours par semaine. « Mon associé collecte le lait le mardi et le jeudi matin et a une réunion “process” tous les quinze jours. Moi, je suis à la découpe tous les mardis, au marché un vendredi soir sur trois et en réunion commerciale tous les quinze jours. Et il y a le démarchage commercial, très prenant. Nous avons tous dû nous réorganiser pour ne pas délaisser nos fermes. Au Gaec, nous avons pris un apprenti en attendant d’embaucher un salarié. » Il patientera un peu car après un résultat positif pour Altermonts en 2020, l’éleveur prévoit un résultat 2021 déficitaire. « Les ventes ont démarré très fort en 2020 puis se sont calmées. On n’est pas en péril car si on diminue les fabrications, Biolait collecte notre lait excédentaire. Mais il y a un emprunt à rembourser ! Aujourd’hui, le lait est mieux valorisé par Altermonts que par Biolait, mais il faut développer les ventes. L’idéal serait d’embaucher une personne dédiée : on comprend que passer des coups de fil, envoyer des mails et aller voir un client de temps en temps ne suffit pas ! » Des portes se sont ouvertes du côté de la restauration collective lyonnaise. À suivre…
L’éleveur sourit : « Je ne regrette pas d’être parti dans cette aventure, mais c’est beaucoup plus prenant que je ne pensais ! »
Bérengère Lafeuille(1) Afocg : Association de formation à la compatibilité et la gestion.
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